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LE DOCTEUR-NOIR

Le Nourrisseur, l’amant de la mère Peignotte, lui inspirait également des craintes.

Toutes ces raisons décidèrent la Sauvage à prendre en main la direction de la bande.

Son premier soin, en arrivant à Paris, fut de se rendre chez Sacrais.

Ce fut la Mécharde qui vint lui ouvrir.

— Eh bien ? demanda la Sauvage à la vieille femme, as-tu pris note de ce que je t’ai dit la dernière fois ?

— Quoi donc ? fît hypocritement l’abominable mégère.

— Lydia, la petite, qu’en avez-vous fait ?

Sacrais arriva sur ces entrefaites et se confondit en manifestations joyeuses.

La Sauvage répéta sa question.

— Dame, répondit le faussaire, j’ai des ordres du chef, relativement à cette petite.

— Oui, je sais, mais il ne vous a pas dit de la torturer comme vous le faisiez, la Mécharde et toi.

— Non, certainement, aussi est-elle bien traitée.

La Sauvage regarda Sacrais dans les yeux.

— Je suppose que tu ne la poursuis plus de tes propositions ?

Le bandit se récria vivement.

— Après ce que le chef m’a dit, il n’y a pas de danger…

La maîtresse de Caudirol eut une pensée soudaine.

— Est-ce qu’il se la réserverait, lui ?

Cette idée en exaltant sa jalousie fit tomber toute la sympathie qu’elle ressentait pour Lydia.

Néanmoins elle demanda à la voir.

Sacrais la conduisit dans une chambre aux volets fermés et aux fenêtres cadenassées.

La Sauvage dut attendre quelques minutes avant de pouvoir rien distinguer. Enfin ses yeux s’étant habitués à la demi-obscurité, elle distingua vaguement la jeune fille, immobile et muette.

La malheureuse avait passé par bien des souffrances avant d’en arriver à l’état misérable où elle se trouvait.

Sa maigreur était excessive. Ses yeux brillants de fièvre reluisaient d’un feu sombre et se détachaient de sa figure pâle et fatiguée. Son corps chétif tremblait dans des crises de peur ou de froid.

Elle était belle cependant, malgré les privations et les supplices qu’elle endurait. Il y avait sur toute sa personne un air de douceur et de tristesse craintive qui rehaussait la coupe gracieuse et délicate de ses traits.

La petite martyre avait quinze ans, l’âge où commencent à vibrer les