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LES MYSTÈRES DU CRIME

douces mélodies du cœur, où la jeune fille rêve et s’éprend d’un besoin d’amour infini.

Et la plus épouvantable fatalité la retenait prisonnière dans la demeure d’un bandit.

Elle n’avait échappé aux odieuses obsessions de Sacrais que pour se voir destinée à assouvir un caprice de Caudirol.

On ne lui avait rien caché de ce qui l’attendait.

La Mécharde, qui avait reçu les instructions de Sacrais, ne cessait de répéter à Lydia que l’homme quittait venu la voir une nuit, se donnerait le plaisir de la posséder.

Elle lui disait cela avec des détails obscènes, d’un cynisme immonde ; mais, toute à ses pensées douloureuses, la jeune fille n’entendait et n’écoutait rien.

Vaguement, elle comprenait qu’on la menaçait de quelque chose de plus honteux encore que ce qu’elle endurait ; mais elle était trop naïve et sa pensée avait trop de fraîcheur et de poésie pour que l’idée d’un viol pût lui apparaître dans toute son épouvante.

La Sauvage la considéra un instant des pieds à la tête.

— Elle est jolie, en effet, cette maigrichonne.

Et ce fut tout ; elle s’en alla comme elle était venue, sans dire un mot de pitié ou d’espérance à la gentille martyre.

Celle-ci, de son côté, n’avait point fait un pas vers la Sauvage.

Une faiblesse, voisine de la mort, la clouait sur son siège.

Voilà ce qui était advenu de la fille des massacrés de 1871, née dans le printemps d’un amour idolâtre, et élevée dans la souffrance et le malheur.

Sa destinée était de subir toutes les misères et toutes les humiliations en conservant au front le reflet du bonheur que lui avait imprimé sa naissance et le parfum de sa virginité.

Il est ainsi des êtres qui sont à l’épreuve des souillures et qui ressortent purs et radieux des plus démoralisantes épreuves…

La Sauvage avait été frappée de la suave et douloureuse beauté de Lydia et, désormais, elle la détestait instinctivement, pressentant une rivale pour l’avenir.

Quand la maîtresse de Caudirol se fut renfermée avec Sacrais, elle commença à le mettre au courant de ce qui s’était passé depuis leur dernière entrevue.

Elle lui raconta les détails de son départ et son arrivée à Nantes avec son amant.

Ils avaient rôdé autour de l’ancien château des ducs de Lormières, devenu la résidence de Mme Le Mordeley.

Les renseignements qu’ils avaient recueillis sur la riche héritière étaient de bon augure.