Me Lavigne tombait de surprise en surprise.
— Décidément, se dit-il, le proverbe a raison : tel maître tel valet.
Il reprit :
— Mais, je dois vous le dire, vous n’êtes pas impliqué dans l’affaire. Ce que vous avez de mieux à faire, c’est de vous présenter vous-même comme témoin devant la justice.
Flack secoua la tête d’un air négatif.
— Mais c’est dans l’intérêt de votre maître, observa l’avocat.
Le fidèle ami du Docteur-Noir ne fut pas de cet avis.
— Non, certes, répondit-il. Je ne puis lui être d’aucune utilité. Je ne serais pas cru. Vous n’ignorez pas que M. Bartier, quoique innocent, est accablé sous le poids de preuves, écrasantes.
— Mais je ne sais rien du tout, s’écria Me Lavigne ; le Docteur m’a envoyé promener.
— Ah ! fit Jean-Baptiste Flack qui redevint circonspect.
Et après un moment de silence, il dit à l’avocat, en pesant sur chacune de ses paroles :
— Voulez-vous sauver votre client ?
— Si je le veux ! exclama Me Lavigne. Mais ce serait le plus beau tour de force judiciaire qu’on aurait jamais vu.
— Eh bien, je vous en fournirai le moyen, dit Jean-Baptiste Flack avec assurance.
— Il sera remis en liberté ?
— Oui.
Et en lui-même, le serviteur du Docteur-Noir pensa :
— Il sera libre, mais ce n’est pas sur ton éloquence que je compte pour cela, mon garçon.
Il ajouta à haute voix :
— Je ne puis vous donner d’explication. De grands intérêts m’obligent à garder cette réserve. Mais retournez auprès de M. Lucien Bartier. Dites-lui que vous m’avez vu et qu’il peut compter sur moi. Appuyez sur ces mots : Il peut compter sur moi.
— Dès demain je le reverrai.
— C’est cela. Et je suis persuadé que sur ma prière il vous laissera présenter sa défense comme vous l’entendrez.
En achevant ces mots, Jean-Baptiste Flack battit en retraite pour éviter d’indiscrètes questions.
Il prit congé de Me Lavigne qui resta tout perplexe.
— Ma foi, je nage en plein mystère, conclut l’avocat lorsqu’il fut seul.
Et certes il avait raison.