Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/403

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
403
LES MYSTÈRES DU CRIME

Depuis plusieurs jours, Caudirol avait décidé de saisir la première occasion qui se présenterait pour visiter les souterrains du château.

Une seule, chose l’arrêtait. Les caves étaient fermées par une lourde porte de chêne, garnie de fer, dont il ne voulait point tenter l’effraction.

La violence n’était pas dans son jeu.

Il devait arriver à son but par l’intrigue.

— Il faut savoir où est la clé de cette porte, se dit Caudirol.

Et il se rendit auprès de madame Le Mordeley.

Celle-ci l’accueillit avec son empressement habituel.

— Que vous êtes donc aimable, monsieur de Lormières, de venir rendre visite à une pauvre recluse. Je m’ennuyais horriblement.

— La vie que l’on mène ici est en effet bien monotone pour une jeune dame.

Madame Le Mordeley toussa légèrement pour dissimuler le plaisir que venait de lui faire la réflexion de son hôte.

— C’est un gentilhomme accompli, pensa-t-elle. Il est charmant.

Et elle ajouta, en s’adressant à Caudirol sur un ton d’intérêt :

— Êtes-vous au moins installé d’une façon passable dans cette vieille ruine ?

Madame Le Mordeley désignait le château.

— Mais j’y suis à merveille, s’empressa de dire Caudirol. Cette demeure est en parfait état et vous l’avez fait restaurer avec un goût infini. Je ne m’explique pas que vous ne l’habitiez point et que vous persistiez à vouloir demeurer dans ce pavillon où vous êtes bien à l’étroit.

— Oh ! soupira l’héritière, c’est tout ce qu’il me faut… Et puis, je vous l’ai déjà dit, j’aurais peur si j’étais seule la nuit dans le château… C’est si grand et si solennel ! Les chambres sont aussi vastes qu’un appartement ordinaire…

— Mais, cependant, si vous veniez à vous remarier ? car, enfin, c’est à prévoir, étant donné votre situation de jeune veuve !

Madame Le Mordeley se troubla.

Pour elle, c’était une déclaration en bonne forme.

— Et qui donc voudrait de moi ? hasarda-t-elle en minaudant.

— Madame, repartit Caudirol, je ne vous répondrai point, de crainte de laisser échapper une vérité qui vous paraîtrait une impertinence.

Il feignit une violente agitation.

— Qui voudrait de vous ? répéta-t-il en se levant et en parcourant la pièce dans tous les sens.

— Oui, reprit madame Le Mordeley en allant au devant de lui et en saisissant sa main… Répondez-moi, monsieur de Lormières.

Elle le regardait dans les yeux en souriant d’un air de triomphe.