CHAPITRE V
Après cette surprise et le premier instant de fièvre passé, madame Le Mordeley se prit à pleurer.
Caudirol la prit comme une enfant sur ses genoux et la consola.
— Oh ! mon Dieu ! quelle faute ai-je commise, sanglotait la veuve. Mon repos en ce monde et mon salut dans l’autre sont à jamais perdus.
La dévote se faisait jour sous l’amante.
Le défroqué souriait de cette frayeur.
— Calme-toi, ma toute belle, tu vivras en paix.
Madame Le Mordeley crut comprendre et sécha ses pleurs.
— Vous régulariserez notre situation ?
Caudirol continua sa comédie.
Il réfléchit quelques secondes et, comme s’il prenait une résolution héroïque :
— Non, s’écria-t-il, je fuirai en emportant le souvenir d’un moment de bonheur dans ma vie de tourments… Un mariage est impossible…
— Impossible…
— Oui.
— Ah ! j’en deviendrai folle.
Le bandit laissa la malheureuse femme se tordre de désespoir.
Il semblait inflexible.
— Non, répéta-t-il à demi-voix comme s’il se parlait à lui-même. Je ne le peux pas, je ne le dois pas.
— Mais pourquoi cela ? demanda l’héritière.
Caudirol continua son monologue.
— L’amour n’excuserait rien. On calomnierait ce qu’il y a de plus pur en moi. Et qui sait si celle que j’idolâtre plus que tout ici-bas et là-haut…
L’impudent gredin montrait le ciel du doigt.
— Qui sait… si elle aussi ne douterait pas un jour de ma passion ? Je veux bien encourir la haine, mais non le mépris. C’en est fait !
Madame Le Mordeley assistait éperdue à cette lutte qui, croyait-elle, se passait dans le cœur de son amant.
— Voyons, expliquez-vous… dites-moi… supplia-t-elle.
Caudirol resta impassible.