Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/454

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
454
LE DOCTEUR-NOIR

Et après avoir réfléchi, il écrivit cette réponse où se reflète les sentiments de l’homme de cœur que le malheur a rendu sceptique :

« Mon cher enfant,

« Vous êtes peut-être sur le point de commettre une folie.

« C’est le moment de parler raison.

« On a souvent répété que j’avais une âme sèche, incapable d’aimer.

« C’est possible après tout, mais pourquoi ne dirai-Je pas mon mot sur ce sujet ?

« J’ai été à l’école de l’amour… et j’en reviens.

« Pour la plupart des hommes, tomber amoureux, c’est devenir complètement fou. Examinez le premier amant venu à commencer par vous et dites-moi si le cas ne relève pas de la Faculté ?

« L’objet de nos tendres sentiments, est souvent, une jeune fille d’une beauté discutable, dont l’intelligence ne s’élève pas à beaucoup de degrés au-dessus de zéro.

« N’importe, elle est charmante et pleine d’esprit ! Ses caprices absurdes sont trouvés délicieux ; ses singeries sont d’une bonne grâce adorable.

« Épousez, mon ami, et, dans trois mois, qui sait ? vous aurez de votre bonheur par dessus la tête.

« Votre lune de miel deviendra un vieux chaudron, moins que ça : un pot-au-feu !

« L’illusion est le pire des fléaux, mais c’est un mal éternel. Ça ne changera pas ! Les générations se renouvellent et se transforment, mais elles sont toutes d’accord quand il s’agit de se tromper du tout au tout.

« Eh bien ! je vous le demande, ne vaut-il pas mieux envisager les choses froidement et raisonner un peu avec ses sentiments !

« Ce n’est pas une bagatelle que de prendre une femme et la chose vaut la peine d’être discutée. Avant de vous marier, mon jeune ami, étudiez votre idéal.

« Il ne s’agit pas de décréter un beau matin que telle fillette est un ange qui possède toutes les vertus, il faut savoir d’abord, si elle a du cœur, ensuite si ce n’est pas une bête et enfin si elle vous préférerai à ses toilettes, à ses bijoux et au spectacle, ce qui est parfaitement douteux.

« Je sais bien que l’homme est rempli d’une belle confiance en lui même et suppose très volontiers qu’il est propre à inspirer une passion frénétique.

« Ne vous y fiez pas.

« L’amant disparaît bientôt pour faire place au mari. Alors viennent pour la femme les désillusions cruelles. Un fiancé n’a pas de défaut, c’est un charmant esclave tiré à quatre épingles, mais le mari, c’est autre chose.