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Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/67

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LES MYSTÈRES DU CRIME

C’est pour ça qu’j’aurai l’honneur, l’avantage, comme on dit à la Chambre des Amputés, d’déposer ma chique, pour vous narrer la chose. Là, mes lapins, mes cocos, écoutez, on commence. Une, deusse, troisse, zim boum ! en avant la musique !…

— Dépêche-toi, fit Sacrais qui commençait à s’impatienter.

— C’est bon. Nous étions chez l’Homme-qui-Pue, le même qui ronfle comme un porc, devant vos éminences, Il avait chopardé[1] une épaule de mouton, je n’sais où… Enfin, bref, on avait c’qui fallait pour la cuire, à part une cast’rolle. La gigolette[2] à l’Homme-qui-Pue, une chouette gonzesse[3] ou alors j’suis qu’un muffe, une femelle qui r’naudait[4] pour faire le divin truc, la r’tape[5], et ça par pur amour pour cet ustensile… Eh ! l’Homme-qui-Pue, lacromuche[6] à favoris, réveille-toi donc ! On jaspine[7] de toi et de ta Louis XV[8], ce morceau de salé comme on n’en fait plus… Ah ! tu lèves la sorbonne[9] animal, c’est pas malheureux…

— T’as pas fini d’me chiner[10] ? demanda l’Homme-qui-Pue en se relevant.

— Si, ma vieille ; pour lors, ousque j’en suis ?… Oui, c’est ça, on avait d’là bidoche[11], du feu et l’reste, mais pas de marmite. Ben ! que j’dis, j’men vas en décrocher une quéquepart, faut pas s’épater ! Là-d’sus, j’sors. J’me balade un instant et, pour me dérouiller la main, je subtilise une côtelette de veau chez le boucher. Juste me v’là d’vant la tôle[12] d’un marchand d’articles de ménage. Et la sœur, que j’me dis, est-ce qu’elle heureuse ?… V’lan, j’agrippe[13] un poêlon, oh ! mais une manivelle épatante, les copains ! Et, là-d’sus, j’fous ma course. Bien travaillé, ma foi… Oh ! zut alors ! boutiquemard père, fils et Ce, y s’mettent tous à gueuler : au voleur ! Tas d’crétins ! J’ai beau m’tirer des pattes, des sergots s’plantent devant bibi et j’suis arquepincé[14] : « Lâchez-moi, qu’j’leur dis, y a l’Homme-qui-Pue et son amoureuse qui m’attendent pour faire le ragoût. J’ai pas l’temps de vous causer, v’voyez bien ! »… Ouiche ! on m’met en état d’arrestasse[15]. Vous connaissez l’fourbi[16]. J’suis conduit au clou[17], Me v’là d’vant l’quart-d’œil et son chien[18]. Y m’questionne. J’l’envoie balader. Les cognes[19] me fichent comme un paquet au violon. À minuit, j’monte dans l’panier à salade[20]. En route pour le Dépôt dans la berline de l’émigré ! Oh ! malheur. Les sacrés gaffes[21] m’foutent au tas[22] avec un tas d’camerluches[23] et d’poux. Sacré bon Dieu ! quelle noce. La boule de son[24] et les pétards[25]… En v’là un frichti[26]. Ah ! les gueux, y n’ont pus mon estime !… Deux jours après l’coup, j’passe

  1. Pris.
  2. Maîtresse.
  3. Femme chic.
  4. Maugréait, protestait.
  5. Pour faire le trottoir.
  6. Souteneur de fille.
  7. Parle.
  8. Prostituée.
  9. Tête.
  10. Plaisanter.
  11. Viande.
  12. Maison.
  13. Je saisis.
  14. Empoigné.
  15. D’arrestation.
  16. l’affaire.
  17. Poste de police.
  18. Le commissaire et son secrétaire.
  19. Sergents de ville.
  20. Voiture cellulaire.
  21. Gardiens de prison.
  22. Grande salle du Dépôt.
  23. De camarades.
  24. Pain des prisonniers.
  25. Haricots secs.
  26. Une nourriture.