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LE VAMPIRE

Un certain nombre de curieux, accoutumés sans doute au spectacle qui allait se dérouler, stationnaient près de là, devant un hangar où se trouvaient les bois de justice.

À minuit il y eut un mouvement de curiosité.

Un fourgon arrivait au grand trot. On allait y charger les morceaux de la hideuse machine.

Décidément, c’était pour aujourd’hui.

L’aspect de la place était sinistre.

On apporta les matériaux.

Des menuisiers dressèrent la guillotine devant l’entrée du Dépôt des condamnés.

À la lueur des rares becs de gaz, les murs des deux Roquettes se dessinaient lugubrement.

Les ouvriers travaillaient en silence à leur besogne.

On eût dit des ombres s’agitant.

Toutes les pièces de l’échafaud s’adaptaient au moyen de boulons, mais, cependant, de temps à autre, on entendait résonner des coups de marteaux sourds…

Alors, il courait un frisson parmi la foule qui avançait sans cesse. Des agents de police la refoulaient sur les trottoirs.

On s’écrasait littéralement.

Vers trois heures du matin, l’échafaud était terminé et ses montants se dressaient vers le ciel gris comme deux bras décharnés.

Un détachement de gardes municipaux à pied et à cheval arriva sur ces entrefaites.

Déjà un grand nombre de gardiens de la paix faisaient la haie et bousculaient les curieux.

En ce moment, un homme en chapeau à haute forme et vêtu de noir s’approcha de la guillotine.

Jusque-là il était resté assis près de la porte de la prison.

Une rumeur se produisit.

Ce personnage indifférent et muet, c’était le bourreau.

Il regarda un moment l’épouvantable machine qui se détachait en rouge foncé dans l’ombre livide de la nuit.

Le vent soufflait avec rage.

Le gaz dansait follement dans les lanternes.

Par moments, lorsque l’atmosphère reprenait son calme, les lumières éclairaient crûment l’échafaud.

L’exécuteur monta sur la plateforme de la guillotine.

Les menuisiers s’étalent rangés de côté.