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Tous les bruits se taisaient. On entendait par instants le grincement d’une poulie de fer surmontant un vieux puits, quand une voisine venait tirer de l’eau pour la soupe du soir. On voyait la forme vague de la femme se pencher sur la margelle de pierre, où le frottement des cordes avait creusé des rigoles.

Une fenêtre était ouverte dans la façade d’une maison. Deux jeunes filles se penchaient sur la barre d’appui, et causaient, s’arrêtant par moments, pour respirer les odeurs de terre qui montaient des champs assombris.

L’une était une belle fille aux joues roses, aux lèvres fraîches, dont le rire sonnait : un rire un peu naïf de personne bien portante qui trouve de la gaieté dans toute chose.

Alors sa compagne la regardait d’un air étonné, ayant l’air d’admirer et de blâmer à la fois cette insouciance.

Celle-là véritablement ressemblait à une demoiselle de la ville, avec son col blanc rabattu, sa robe d’étoffe grise dessinant sa taille souple, ses bandeaux plats séparés par une raie. On voyait bien à la fraîcheur de son teint qu’elle restait à la maison, loin des hâles desséchants et des soleils qui mordent la peau. Sous ses longs cils noirs, son regard avait une douceur soyeuse, une profondeur pensive qui attirait. Jolie ? On n’en savait rien. Mais à la regarder longuement, de toute sa personne s’exhalait un charme qui finissait par vous prendre. Ainsi poussent, dans les haies, des fleurs chétives, maltraitées par les vents, mais dont l’odeur tenace, inoubliable, fait chanter dans notre cœur des rêves infinis de tendresse.

Leur conversation traînait, gagnée peu à peu par le silence, par la nuit qui s’épaississait.