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Page:Mother Earth - Vol. 2, n° 1, March 1907.djvu/544

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de l’Église » ou bien « une cérémonie civile patronnée par l’État », permettant à un homme et une femme de s’unir pour la vie, à moins qu’ils demandent à un tribunal de prononcer leur séparation. Avec toute l’énergie d’une libre-penseuse néophyte, je critiquais le mariage religieux parce qu’un prêtre n’a absolument aucun droit d’intervenir dans la vie privée des individus ; je condamnais l’expression «jusqu’à ce que la mort nous sépare», car cette promesse immorale rend une personne esclave de ses sentiments actuels et détermine tout son avenir ; je dénonçais la misérable vulgarité des cérémonies religieuse et civile, qui mettent les relations intimes entre deux individus au centre de l’attention publique, des commentaires et des plaisanteries.

Je défends toujours ces positions. Rien ne me révulse plus que le prétendu sacrement du mariage ; il est une insulte à la délicatesse parce qu’il proclame aux oreilles du monde entier une affaire strictement privée. Ai-je besoin de rappeler, par exemple, la littérature indigne qui circula sur le mariage d’Alice Roosevelt [1], lorsque la prétendue « princesse américaine » fut l’objet de plaisanteries obscènes incessantes, parce que le monde entier devait être informé de son futur mariage avec Mr. Longworth !

Dépendance et épanouissement personnel

Mais aujourd’hui ce n’est ni au mariage civil ni au mariage religieux que je me réfère, lorsque j’affirme : « Le mariage est une mauvaise action. » La cérémonie elle-même n’est qu’une forme, un fantôme, une coquille vide. Par mariage, j’entends son contenu réel, la relation permanente entre un homme et une femme, relation sexuelle et économique qui permet de maintenir la vie de couple et la vie familiale actuelle. Je me moque de savoir s’il s’agit d’un mariage polygame, polyandre ou monogame. Peu m’importe qu’il soit célébré par un prêtre, un magistrat, en public ou en privé, ou qu’il n’y ait pas le moindre contrat entre les époux. Non, ce que j’affirme c’est qu’une relation de dépendance permanente nuit au développement de la personnalité, et c’est cela que je combats. Maintenant, mes opposants savent sur quel terrain je me situe.

Dans le passé, il m’est arrivé de plaider de façon effusive et sincère pour l’union exclusive entre un homme et une femme, tant qu’ils sont amoureux. Et je pensais que cette union devrait être dissoute lorsque l’un ou l’autre le désirerait. À cette époque j’exaltais les liens de l’amour — et seulement ceux-là.

Aujourd’hui, je préfère un mariage fondé uniquement sur des considérations strictement financières à un mariage fondé

  1. Alice Roosevelt : durant sa jeunesse, la fille du président Théodore Roosevelt aimait scandaliser son entourage. Elle épousa un congressiste playboy et devint une figure importante des coulisses de Washington.