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Page:Mother Earth - Vol. 2, n° 1, March 1907.djvu/545

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sur l’amour. Non pas parce que je m’intéresse le moins du monde à la pérennité du mariage, mais parce que je me soucie de la pérennité de l’amour. Le moyen le plus facile, le plus sûr et le plus répandu de tuer l’amour est le mariage — le mariage tel que je l’ai défini. La seule façon de préserver l’amour dans la condition extatique qui lui vaut de bénéficier d’une appellation spécifique — sinon ce sentiment relève du désir ou de l’amitié —, la seule façon, disais-je, de préserver l’amour est de maintenir la distance. Ne jamais permettre que l’amour soit souillé par les mesquineries indécentes d’une intimité permanente. Mieux vaut mépriser tous les jours votre ennemi que mépriser la personne que vous aimez.

Ceux qui ne connaissent pas les raisons de mon opposition aux formes légales et sociales vont sans doute s’exclamer : « Alors, vous voulez donc en finir avec toute relation entre les sexes ? Vous souhaitez que la terre ne soit plus peuplée que de nonnes et de moines ? » Absolument pas. Je ne m’inquiète pas de la repopulation de la Terre, et je ne verserais aucune larme si l’on m’apprenait que le dernier être humain venait de naître. Mais je ne prêche pas pour autant l’abstinence sexuelle totale. Si les avocats du mariage devaient simplement plaider contre l’abstinence totale, leur tâche serait aisée. Les statistiques de la folie, et de toutes sortes d’aberrations, constitueraient à elles seules un solide élément à charge. Non, je ne crois pas que l’être humain moralement le plus élevé soit un individu asexué, ni d’ailleurs une personne qui, au nom de la religion ou de la science, extirpe violemment ses passions.

Je souhaiterais que les gens considèrent leurs instincts normaux, d’une façon normale, qu’ils ne les gavent pas mais ne les rationnent pas non plus, qu’ils n’exaltent pas leurs vertus au-delà de leur utilité véritable et ne les dénoncent pas non plus comme les servantes du Mal, deux attitudes très répandues en ce qui concerne la passion sexuelle. En bref, je souhaiterais que les hommes et les femmes organisent leurs vies de telle façon qu’ils puissent être toujours, à toute époque, des êtres libres, sur ce plan-là comme sur d’autres. Chaque individu doit fixer des limites à ses instincts, ce qui est normal pour l’un étant excessif pour l’autre, et ce qui est excessif à une période de l’existence étant normal à une autre. En ce qui concerne les effets de la satisfaction normale d’un appétit normal sur la population, je pense qu’il faut contrôler consciemment ces effets, comme ils le sont déjà, dans une certaine mesure, aujourd’hui, et le seront de plus en plus, au fur et à mesure que progresseront