Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/119

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au milieu de l’indigence et de la solitude. À mon arrivée, il était au comble du bonheur ; il voyait s’élever rapidement de jour en jour une nouvelle chapelle qu’il fait construire, et pour laquelle il a trouvé le moyen d’économiser sur son modeste viatique. Construite en briques, elle remplacera bientôt la chapelle de planches dans laquelle il officie. Je passai seize jours heureux sous son toit, tantôt chassant sur le fleuve et les canaux, tantôt sur le mont Sabab. Le pays me rappelait beaucoup la province de Pakpriau. La plaine est peut-être encore plus déserte et plus inculte ; mais au pied de la montagne s’ouvrent de charmantes vallées, où quelques centaines de Chinois se livrent à la culture du poivre.

J’achetai au prix de 25 ticaux une bonne petite barque pour visiter les îles du golfe, très-intéressantes sous tous les rapports, quoique sur plusieurs d’entre elles les tigres soient nombreux. La première que je visitai porte le nom de Ko-nam-sao (buste de jeune fille). Elle a la forme d’un pic et près de deux cent cinquante mètres de hauteur. D’origine volcanique comme toutes les autres îles de cette partie du golfe, elle n’a seulement que deux milles de circonférence. Les roches qui l’entourent presque partout en rendent l’accès difficile ; mais l’effet qu’y produisent une végétation puissante et une verdure pleine d’éclat et de fraîcheur est ravissant. La saison de la sécheresse, si agréable dans les voyages en Europe, à cause de la fraîcheur des nuits et des matinées, est au Siam un temps de mort et de désolation pour toute la nature. Malgré une végétation