Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/27

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aussi plats que les polders de la Hollande. La ville elle-même repose sur un archipel d’îlots vaseux que le bras principal, ou thalweg du Ménam, découpe en deux sections. Celle de droite n’a guère droit qu’au titre de faubourg, car les huttes du peuple, les jardins et les marais y dominent. Les pagodes et les demeures des grands y sont rares. Sur la rive gauche du fleuve, au contraire, la ville proprement dite, entourée de murailles crénelées et flanquées de loin en loin de tours et de bastions, couvre un espace de deux lieues de circuit. Entre les deux sections, des milliers de boutiques, flottant sur des radeaux, s’allongent sur deux rangs en suivant les sinuosités du fleuve que sillonnent en tous sens d’innombrables embarcations. L’animation qui règne sur les eaux est la première chose qui frappe le voyageur pénétrant au sein de cette capitale par la voie du Ménam. Bientôt, son attention est attirée par la vue des palais royaux et des pagodes, projetant dans les airs, au-dessus de l’éternelle verdure de la végétation tropicale, leurs flèches dorées, leurs dômes vernissés, leurs hautes pyramides, sculptées à jour, découpées en guipures et reflétant tous les rayons du soleil, toutes les couleurs du prisme sur leur revêtement de cristaux et de porcelaines. Cette architecture des Mille et une Nuits, la variété infinie des édifices et des costumes, indiquant la diversité des nationalités groupées sur ce point du globe, le son incessant des instruments de musique et le bruit des représentations scéniques, tout cet ensemble est, pour l’étranger, un spectacle aussi nouveau qu’agréable au premier abord.