Page:Mourguet - Théatre lyonnais de Guignol, tome 1.djvu/103

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coins de rue où j’ai polissonné avec mes frères… Tout cela me remplit de joie & de tristesse en même temps.

VICTOR.

Mais, mon cher bienfaiteur, me direz-vous pourquoi ce déguisement ?

JÉRÔME.

Il est temps de te l’expliquer. Mon père, Antoine Coq, était un honnête ouvrier de cette ville, qui avait élevé à grand’peine, par son travail, une nombreuse famille. Il lui était resté trois garçons, dont j’étais l’aîné, & il nous avait fait apprendre à chacun un état. J’avais fini mon apprentissage chez un serrurier ; mais cet état ne m’avait jamais plu : j’eus un jour une querelle avec mon patron & je le quittai. J’avais toujours eu un certain goût pour le commerce ; je demandai à mon père la permission d’aller à Marseille pour chercher à m’embarquer, comme mousse, sur un vaisseau marchand : il me le permit ; j’embrassai mon père & ma mère, que je n’ai plus revus, & je partis, il y a de cela trente ans.

VICTOR.

Vous étiez sans argent ?

JÉRÔME.

J’avais vingt francs d’économies & quelques pièces que ma mère avait glissées dans ma poche. Je voulus utiliser mon voyage : j’achetai du fil, des aiguilles, des almanachs, que je vendis le long de la route, achetant