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démarche inattendue et impossible à prévoir.

Il demanda aux délégués s’ils étaient pour quelques jours en Ville.

Nous partirons seulement que demain.

— Alors, vous pouvez attendre la réponse ?

— Ben oui.

— J’irai vous la porter, demain avant-midi.

— Nous r’viendrons.

Édouard fut forcé d’en passer par leur volonté.

Je vous attendrai donc demain matin, vers les neuf heures, dit-il.

— Oui, monsieur.

Il les reconduisit et, en rentrant dans son bureau, rencontra son patron, monsieur Langlois.

Eh ! bien, Leblanc, dit-il, vous avez des clients ?

— Si vous saviez ce que c’est.

— Pas des créancier toujours ?

— Un peu.

— Ah !…

— C’est une délégation de Saint-Germain qui vient me demander d’accepter la candidature pour les prochaines élections.

— Vous ne me dites pas. Qu’est-ce que vous allez faire ?

— Je ne sais pas.

— Je serais très heureux de vous voir député.

— Me conseilleriez-vous d’accepter ?

— Je ne vous donnerais pas d’autre conseil que celui de réfléchir et de vous décider, ensuite, par vous-même. Quand leur donnez-vous la réponse ?

— Demain.

— Vous avez le temps ; consultez vos amis.

Ils discutèrent la question ; quelques minutes, et monsieur Langlois quitta Leblanc en lui disant : quoi que vous décidiez, vous avez toujours votre place ici.

Quand Édouard avait besoin d’être éclairé sur une question qui l’embarrassait, il allait voir Ricard, dont l’esprit clair et net, lui en faisait saisir tous les aspects dont la discussion subtile ne laissait aucun recoin inexploré.

Ricard faisait maintenant du journalisme, mais la divergence de leurs carrières n’avait amené aucun changement dans leur amitié et ne faisait que leur fournir de nouveaux sujets de conversation.

Bonjour, lui dit celui-ci, en le voyant entrer. Toujours en amour par-dessus la tête ?

— Toujours.

— Chanceux !

Quand ils eurent conversé quelques temps, Édouard lui exposa l’objet de sa visite.

— Député ! se récria Ricard ; comme tu y vas !

— Je ne le suis pas encore ; je viens te demander si tu crois que je ferais bien de tenter de l’être.

— T’en sens-tu le courage ?

— Pourquoi pas ?

— Et la capacité ?

— C’est la question.

— Pour être député il faut tout connaître, être une encyclopédie vivante : en es-tu une ?

— Non malheureusement ; je ne suis pas même un dictionnaire, mais je ne crois pas que cela soit nécessaire. Pourvu qu’on soit honnête et consciencieux, et pas trop bête.

— Tu ne l’es pas trop.

— C’est consolant.

— Mais tu ne sais rien ; tu ne connais rien.

— J’en sais plus que les trois quarts des députés. Et puis, je travaillerai.

— Travaille donc d’abord.

— Je serai forcé de travailler davantage si je suis député ; ça me sera plus utile, aussi.

— Si tu le veux, je ne puis pas t’em-