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Mais le voisin ne voulait pas se faire jouer de cette façon-là et exigea que Joseph ne continuât pas à demeurer chez son père.

Ce que voyant, Joseph, qui ne voulait rien laisser à l’imprévu, demanda avant de partir, sa « part » d’héritage.

La loi de notre province reconnaît à un père le droit de léguer ses biens à qui il veut et même de déshériter ses enfants, mais l’usage établi sous l’empire de l’ancien droit français est souvent encore suivi dans les campagnes et chaque enfant considère qu’il a droit à une part de l’héritage, « part » qu’il n’hésite pas à demander s’il quitte le logis paternel du vivant de son père. Joseph ne faisait que suivre cet usage en réclamant la sienne.

Le père Beaulieu fut absolument accablé par la demande de son fils, qui le plongea dans la plus grande consternation. Il en perdit le sommeil pendant plusieurs nuits et il devint si changé que les clients lui demandaient s’il était malade.

Il crut cependant qu’il ne pouvait refuser : Joseph avait toujours été un bon fils. Les quatre mille dollars qui restaient du prix de vente de la ferme enlevaient tout prétexte au père Beaulieu pour ne pas se rendre à la demande de son garçon. Il lui donna donc mille piastres, se réservant de lui donner davantage plus tard, si les affaires allaient bien.

La donation fut faite pardevant notaire..

Le père Beaulieu remplit toutes les formalités, donna les signatures nécessaires, mais il sortit de chez le notaire plus vieux de dix ans.




CHAPITRE V



La semaine de Noël avait été une semaine profitable pour le père Beaulieu. Les acheteurs s’étaient rendus en nombre chez lui et avaient laissé, en partant, des sommes plus considérables que d’habi-