Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/121

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troupes de Djezzar : il les a tous détruits. »

L’armée trouva au Caire le repos et tous les approvisionnemements dont elle avait besoin pour se refaire de ses fatigues ; mais son séjour dans cette ville ne devait pas être de longue durée. Bonaparte, instruit que Mourad-Bey, déjouant les poursuites des généraux Desaix, Belliard, Donzelot, Davoust, descend de la haute Égypte, se met en marche pour aller l’attaquer aux Pyramides, champ de bataille déjà si funeste aux Mamelucks ; là il apprend qu’une flotte turque de cent voiles est devant Aboukir et menace Alexandrie. Sans perdre de temps et sans rentrer au Caire, il ordonne à ses généraux de se porter en toute hâte au devant de l’armée que commande le pacha de Romélie, Saïd-Mustapha, auquel se sont joints les corps de Mourad-Bey et d’Ibrahim. Avant de quitter Gizeh, où il se trouvait, le général en chef écrivit au Divan du Caire : « Quatre-vingts bâtiments ont osé attaquer Alexandrie ; mais, repoussés par l’artillerie de cette place, ils sont allés mouiller à Aboukir où ils commencent à débarquer. Je les laisse faire, parce que mon intention est de les attaquer, de tuer tous ceux qui ne voudront pas se rendre, et de laisser la vie aux autres pour les mener en triomphe au Caire. Ce sera un beau spectacle pour la ville.

Bonaparte se rend d’abord à Alexandrie, de là il marche sur Aboukir, dont le fort s’est rendu aux Turcs. Son génie lui fait prendre sur-le-champ des dispositions telles, que Mustapha doit vaincre ou périr avec tous les siens. Son armée, qui compte 18.000 combattants, est soutenue par une nombreuse artillerie ; des retranchements la défendent du côté de la terre, et du côté de la mer, elle communique librement avec la flotte. Le général en chef ordonne l’attaque au lieu de l’attendre ; tout cède à la valeur impétueuse de ses soldats ; en peu d’heures, les retranchements sont enlevés, 10.000 Turcs se noient dans la mer, le reste est pris ou tué. L’intrépide Murat, qui mérita une grande partie de la gloire de cette mémorable journée, fit prisonnier le général ennemi Saïd-Mustapha, dont le fils, qui commandait dans le fort, dut, avec tous les officiers échappés au carnage, former le cortège triomphal du vainqueur. La population du Caire, voyant revenir Bonaparte avec ses illustres prisonniers, accueillit d’un hommage superstitieux le prophète-guerrier qui avait prédit son triomphe avec une précision si remarquable. La victoire d’Aboukir fut le dernier exploit du général en chef en Égypte ; une autre phase de son étonnante carrière va commencer : considérant qu’il ne lui restait plus rien à faire en Égypte qui fût digne de son ambition, attendu que les forces dont il pouvait disposer encore, n’étaient pas, à beaucoup près, suffisantes pour entreprendre une expédition de quelque importance au delà des frontières de sa conquête, ce qui lui était bien démontré par la non-réussite du siège d’Acre : prévoyant d’ailleurs que son armée, allant toujours s’affaiblissant par les combats, par les maladies, il se verrait, un peu plus tôt, un peu plus tard, dans la triste nécessité de signer une capitulation et de se rendre prisonnier à ses ennemis ; qu’un événement si déplorable détruirait tout le prestige de ses nombreuses victoires ; par ces diverses raisons, il prit spontanément la résolution de revenir en France. Il avait appris par ses communications avec la flotte anglaise, lors de l’échange des prisonniers d’Aboukir, et notamment par la Gazette de Francfort, que Sidney-Smith lui envoya, que depuis son absence, la patrie avait éprouvé des revers, que les ennemis