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une douloureuse anxiété. Le convoi fit bonne route ; mais Linois, qui le cherchait, donna dans des voiles anglaises auxquelles il se rendit après une résistance honorable et désespérée (28 florréal an II). Sa belle défense avait attiré sur lui l’estime de ses ennemis ; après sa rentrée en France, elle le signala à l’attention du gouvernement.

Le 15 floréal an III, il fut promu au grade de capitaine de vaisseau, et il prit le commandement du vaisseau le Formidable, sous les ordres de l’amiral Villaret. L’armée navale sortit de Brest dans le courant de prairial : un engagement eut lieu le 29, un autre le 9 messidor. Les Anglais étaient supérieurs en forces : trois de nos vaisseaux tombèrent entre leurs mains ; le Formidable était de ce nombre. Linois, deux fois blessé, perdit l’œil gauche dans ce combat. Cette fois encore, sa captivité ne fut pas de longue durée : il eut le bonheur d’être échangé deux mois après avec le capitaine de vaisseau anglais John Carruthers.

L’année suivante (an IV), la marine fut réorganisée, et Linois, nommé chef de division, prit le commandement du Nestor. Lors de l’expédition d’Irlande, qui fut sans résultat, il commandait en cette qualité trois vaisseaux et quatre frégates. Arrivé dans la baie de Bantry, il voulut débarquer sa petite armée : les généraux s’y opposèrent, et Linois la ramena saine et sauve à Brest. Quatre prises qu’il fit entrer avec lui dans le port témoignèrent de l’impuissance des ennemis à s’opposer à son retour. Le 5 pluviôse an VII, le premier Consul rendait l’arrêté suivant : « Bonaparte nomme, sur la demande de l’amiral Bruix, au grade de contre-amiral, Durand Linois, chef de division. »

Pendant vingt mois, à partir de ce jour, il remplit les fonctions de chef d’état-major général de l’armée navale aux ordres de l’amiral Bruix, et successivement des contre-amiraux Delmotte et Latouche-Tréville.

En 1800, il commandait en second l’escadre expéditionnaire aux ordres de l’amiral Gantheaume. Après les affaires de Porto-Ferrajo et de l’île d’Elbe, il reconduisit à Toulon trois vaisseaux atteints d’épidémie, et le 13 juin 1801, il sortit de ce port avec les mêmes bâtiments et la frégate la Muiron pour aller à Cadix se joindre à l’escadre espagnole.

Il avait à bord 1,600 hommes de troupes extraordinaires. Il prit sur sa route un brick de 24 canons et de 64 hommes d’équipage, commandé par lord Cochrane. C’était bien débuter ; mais bientôt il allait avoir affaire à plus forte partie. Arrivé à l’entrée du détroit de Gibraltar, il apprit par un bateau expédié de la côte qu’il se trouvait entre deux escadres anglaises, l’une venant de Cadix et l’autre du large. Il prit le parti de se jeter dans la baie de Gibraltar, et il mouilla le 4 juillet au soir dans la rade d’Algésiras. Deux jours après, les Anglais étaient en face de lui avec six vaisseaux et une frégate. Sa défaite semblait certaine, il la changea en triomphe. Ce beau fait d’armes est rapporté ainsi qu’il suit dans le Moniteur du temps (30 messidor an IX) :

"Le contre-amiral Linois, avec trois vaisseaux, le Formidable et-l’Indomptable, de 80 canons, capitaines Laindet-Lalonde et Moscousu, le Desaix, de 74 canons, capitaine Christi-Pallière, et la frégate la Muiron, de 18, capitaine Martinenq, après avoir donné la chasse aux vaisseaux ennemis qui croisaient sur les côtes de Provence, s’est présenté devant Gibraltar au moment où une escadre anglaise de six vaisseaux y arrivait. Le 15 messidor, le contre-amiral Linois était mouillé dans la baie d’Algésiras, s’attendant à être attaqué, le lendemain matin. Dans la nuit, il a débarqué le général de brigade Deveaux, avec une partie des