Page:Mulsant - Félix Thiollier, sa vie , ses œuvres, 1917.djvu/29

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une constitution vigoureuse. Les bontés que vous avez jusqu’ici eues pour lui, tout le bien qu’on m’a dit de vous, me font espérer que vous ne voudrez pas laisser votre ouvrage imparfait. Je vous supplie donc de redoubler de surveillance pour ses meurs. C’est par des distractions qu’on trompe la nature : la confiance que vous lui inspirez fera plus qu’une sévérité déplacée, qui souvent ajoute à la corruption le vice de l’hypocrisie. Les dames surtout sont propres à faire d’une jeune tête tout ce qu’elles veulent. C’est donc sur mon aimable cousine que je compte aussi pour préserver mon Émile des vices qui perdent tant de jeunes gens. Il n’a point, malheureusement, de fortune à espérer de moi, sa conduite et son travail peuvent seuls lui procurer une existence agréable et honorable. Réduit à 2.500 francs d’appointements, obligé de tenir mon état, de pourvoir à sa maman, sa sœur et son frère, il doit sentir que je ne peux longtemps continuer les sacrifices que je fais pour lui quelque minimes qu’ils soient. Je me prive pour eux de tous les agréments de la vie, et même des choses indispensables. Dans mon état cependant aucune privation, aucun sacrifice ne coûteront si mon Émile ne trompe pas mes espérances ; dites lui bien que je mets en lui tout mon espoir de bonheur futur, que son inconduite me ferait mourir de chagrin. Si de pareils motifs et surtout le bonheur de sa maman, à laquelle je peux manquer d’un moment à l’autre, ne le retenaient pas dans la voie de l’honneur et dans une délicatesse de conduite que tout homme qui désire avoir sa propre estime doit se réserver, ce serait un monstre auquel je me reprocherais d’avoir donné le jour ; mais j’espère que je n’aurai jamais rien de grave à lui reprocher, et qu’il sera digne des honnêtes parents dont il est descendu, tant de mon côté que de celui de sa maman.

« Voulez-vous bien, mon cher cousin, vous charger d’embrasser bien tendrement pour moi votre chère épouse, votre maman, mon oncle, Manette, Thérèse, Lolo, Toutou, Nini et vos petits enfants. Je désire bien ardemment que quelque heureuse circonstance me mette à même de faire connaissance avec d’aussi bons parents qui, sans me connaître, me donnent des preuves d’amitié que je n’oserais attendre de ma propre famille.

« Je vous embrasse de tout mon cœur. »