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Par une autre lettre au même, datée de Laybach le 12 avril 1810, il renouvelle ses conseils pour son fils Émile :


Quelques troubles survenus sur la frontière de la Turquie m’ont beaucoup occupé et m’ont occasionné beaucoup de courses ; c’est ce qui m’a empêché jusqu’ici d’écrire à Emile relativement à une lettre qu’il a écrite à sa maman, dont je loue la franchise, mais dont je blâme les expressions. Je suis cependant bien aise qu’il m’ait mis à même de lui écrire en ami sur un sujet dont j’étais censé ignorer qu’il fût instruit. Cependant la légèreté avec laquelle sa lettre est écrite et le peu d’importance qu’il attache à ce dont il parle me fait craindre qu’abusant avant l’âge de son tempérament, il ne ruine sa santé et ne néglige ses devoirs. Je me propose de lui donner des conseils qu’il sera assez raisonnable et assez ferme pour suivre. En attendant, comme je suppose que sa conversation n’a ni la modestie, ni la réserve qui conviennent à son âge, je vous prie de l’avertir, comme vous l’avez sans doute déjà fait, que rien ne sent à tout âge et surtout au sien, la mauvaise éducation que la sienne dans les expressions ; qu’il doit, en fils de militaire, être encore plus réservé qu’un autre pour que dans la société on n’accuse pas ses parents de lui avoir donné des exemples de licence répréhensible.

« Faites-lui bien sentir que dans l’état militaire, qui est sans doute celui où on est le moins scrupuleux sur ces sortes de matières, on fait très peu de cas et souvent on méprise souverainement ceux qui s’écartent jusqu’à un certain point des bienséances que réclame la société. J’ai vu, depuis vingt-deux ans que je sers, beaucoup de jeunes gens venant de l’école qui, d’ailleurs très instruits, croyaient prendre le bon ton militaire en affectant de l’indécence dans leur conversation, qui ont changé de ton lorsqu’on leur a fait apercevoir que ce n’était pas là le moyen d’être bien vu ni de leurs supérieurs, ni de leurs camarades. Plusieurs même ont perdu de leur avancement, parce qu’on a supposé un vice d’éducation qui ne convient pas dans un corps d’élite et encore moins à qui par état sera obligé de vivre dans un monde bien différent. Qu’il s’interroge lui même, qu’il prenne comme je lui ai conseillé sa cousine pour guide, qu’il se suppose père de famille, qu’il ait des demoiselles,