Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/106

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persistantes, et cependant il prouvait souvent qu’elles étaient de longue durée. Tout ce qui est grand et sublime l’attirait, quoiqu’il eut la simplicité et la naïveté d’un enfant. Honnête jusqu’à la magnanimité, il négligeait parfois de payer des centaines de francs dues, pour en donner gratuitement des milliers. Spirituel et communicatif lorsqu’il se sentait compris, il devenait, dans le cas contraire, sec et même cassant. Cordial avec ses amis, et parmi eux il comptait souvent trop vite tous ceux qui souffraient, sensible à l’amour et à l’amitié… fidèle à sa parole… de facile composition pour ce qu’il estimait des bagatelles, mais ferme jusqu’à l’entêtement quand il croyait devoir montrer du caractère ; modeste et bienveillant avec ceux qui reconnaissaient sa supériorité d’esprit, mais revêche quand on la contestait… franc par fierté, il devenait tout-à-coup réservé quand il craignait qu’on ne prit sa sincérité pour un manque d’intelligence. Aussi sensible aux jouissances sensuelles qu’aux spirituelles, timide et maladroit quand il se croyait incompris, mais éloquent lorsqu’il voyait tomber ses paroles sur un terrain fertile, indolent quand il n’était pas aiguillonné par une inspiration spontanée, mais zélé, ardent dès que la passion entrait en jeu… de plus, affable, de bonnes manières et d’une conduite irréprochable : tel, à peu près, était Max Havelaar.

Je dis : à peu près, car si toute définition est difficile, cela est surtout vrai lorsqu’il s’agit de décrire une personnalité qui s’éloigne du type ordinaire. C’est à cause de cette difficulté que les romanciers font de leurs héros des diables ou des anges. Noir ou blanc, voilà qui se peint d’un trait ; mais la nuance exacte est plus délicate à rendre.