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jadis, était employé dans les bureaux de son père. Aujourd’hui, cet amant est millionnaire. Ils se marient. Voyons ! Est-ce possible ? Un millionnaire ne se marie pas avec la fille d’un failli. Et si, par exception, selon vous, cela peut se faire sur les planches, je n’en suis pas moins en droit de soutenir qu’on trompe le public, et qu’on lui fait prendre l’exception pour la règle ; oui, on mine sa moralité, en lui donnant l’habitude d’applaudir sur la scène, ce qui, dans la vie est réputé ridicule, stupide, fou par un tas d’honnêtes gens, commissionnaires et négociants.

Quand je me mariai, moi, nous étions treize employés au bureau de mon beau-père Last et Co, et Dieu sait si nous avions à faire !

Autres mensonges scéniques : quand le héros s’en va sauver la patrie, de son pas de théâtre, pourquoi la porte du fond s’ouvre-t-elle toujours toute seule ?

Puis… comment un personnage qui parle en vers, peut-il savoir juste ce que l’autre va lui répondre, et lui préparer sa rime ? Par exemple, quand le général dit à la princesse :

„Madame, il est trop tard, les portes sont fermées.”

Comment peut-il deviner qu’elle s’écriera :

„Mes braves défenseurs, dégainez vos épées.”

Écoutez ! si, en apprenant que les portes sont fermées, la princesse répondait qu’elle en attendra l’ouverture, ou qu’elle reviendra plus tard, que deviendraient la rime et la mesure.

N’est-ce donc pas une bien mauvaise plaisanterie que de représenter le général regardant la princesse dans le blanc des yeux, pour savoir ce qu’elle veut faire après la fermeture des portes.

D’ailleurs, garantissez moi donc que la princesse