Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’applique, je crois, aussi à la sculpture et à la peinture. La nature, c’est le mouvement. La croissance, la faim, l’acte de penser ou de sentir, c’est du mouvement !… L’immobilité, c’est la mort ! Sans le mouvement, pas de douleur, pas de jouissance, pas de sensation. Essayez de vous tenir, là, sans remuer ; vous verrez comme vous ferez vite l’effet d’un fantôme sur toute personne assistant à votre essai, et même sur votre propre imagination. Même devant le tableau vivant le plus sublime, vous désirerez passer au numéro suivant, quelle que soit la force de votre première impression. Si le sentiment que vous avez du beau n’est pas satisfait par une belle chose isolée, et s’il a besoin d’une série de tableaux mouvementés, vous ne serez jamais assouvi par des œuvres artistiques. Je prétends, en conséquence, qu’une belle femme — il est bien entendu que je ne parle pas d’une belle femme immobilisée sur une toile, et plaquée dans un cadre d’or — est ce qui se rapproche le plus de l’idéal divin.

Le besoin de mouvement, dont je fais ici mention, est tellement grand, qu’on peut en juger tant soit peu, par le dégoût que vous cause une danseuse, fût-elle Essler ou Taglioni, lorsque après un pas brillant, elle se pose sur sa jambe gauche, et qu’elle adresse son plus beau ricanement à un public idolâtre.

— Oh ! voilà qui ne compte pas ! fit Dipanon, le rire final de la dite danseuse étant ce qu’il y a de plus absolument laid.

— D’accord ; mais elle ne nous le donne pas moins comme ce qu’elle a de mieux ; et cependant, dans ce qu’elle vient de faire il pouvait se trouver quelque chose de réellement beau. Elle le donne comme la pointe de son épigramme. C’est le : aux armes !