Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/237

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Nos minuscules sous-préfectures et nos infimes sous-préfets, ne peuvent nous donner une idée de ces immenses districts, ou le représentant du roi de Hollande règne presque à l’égal d’un petit souverain. Cependant, il ne possède pas seul le pouvoir. Dans chaque sous-préfecture, il a pour adjoint un chef indigène qui porte le titre de régent, et appartient souvent à la famille des princes jadis régnants. Aussi, qu’arrive-t-il ?

Le fonctionnaire est ici le chef politique, mais le régent par sa naissance, son influence, ses revenus, son train de vie, le prime de toute façon. Situation délicate, où le supérieur hiérarchique est en fait un inférieur !

Si le régent n’abuse pas de son pouvoir, très bien ! Mais s’il en abuse, et qu’il ait à répondre de ses actes, à un de ces hommes de conscience, pour lequel le triomphe de la justice importe plus que la conservation de sa place, qui des deux aura le dessus, et auprès de la population attachée quand même au chef de son sang, et auprès du gouvernement dont l’intérêt est de ménager ce même chef ?

Eh ! bien, c’est en face d’un semblable conflit que va se trouver Havelaar, et l’on devine à l’avance le rôle joué par celui qui n’a point pris pour une formule vaine, le serment qu’il a prêté »de protéger la population indigène contre toute concussion et contre toute extorsion. »

Telles sont les grandes lignes de cet ouvrage, dont les détails sont tellement pleins de finesse, que l’on craindrait de leur faire perdre de leur valeur, en détachant les fragments. Il y a des scènes charmantes, renfermées en quelques lignes ; des traits de caractère marqués par un mot, par un geste. Lorsque Havelaar attendu par toutes les autorités civiles et militaires descend de voiture, puis tend la main à une vieille bonne javanaise, pour l’aider à descendre à son tour ; lorsque nous le voyons entouré de tous les chefs du district, s’interrompre tout à coup au milieu d’un discours, appeler son petit Max, et continuer, l’enfant dans les bras, son allocution si ferme, si élevée, si touchante, ne sent-on pas ici que l’homme ne disparaîtra jamais sous le fonctionnaire, et que si Havelaar sait allier à tant de grandeur une si parfaite simplicité, c’est parce qu’il est doué d’une supériorité réelle.  »

Et Tine ? l’oublierons-nous cette compagne de notre héros, tellement identifiée à son Max qu’on ne peut les séparer dans sa sympathie ? Elle accepte tous ses actes, elle l’approuve dans ses largesses exagérées, trouvant qu’il serait trop petit, trop mesquin de l’enfermer, lui, dans les limites étroites d’un ménage inconnu et bourgeois. »