Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/302

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Qu’adviendrait-il, surtout, de ces pauvres plaignants, à leur retour dans leur village ? n’allaient-ils pas se trouver sous la coupe du chef du district de la commune, accusé par eux d’être l’exécuteur arbitraire du Prince-Régent ?

Ce qu’il advenait de ces plaignants ? Oh ! c’est bien simple. Celui qui pouvait s’enfuir, s’enfuyait.

C’est pour cela qu’il se trouvait tant de Bantammois dans les provinces avoisinantes, tant d’habitants de Lebac parmi les insurgés des districts de Lampong.

C’est pour cela que Havelaar avait demandé dans son discours aux chefs : » Pourquoi y a-t-il tant de maisons vides dans les villages ; et pourquoi tant d’habitants préférent-ils l’ombre des bois éloignés, à la fraîcheur des forêts de Bantan-Kidoul ?

Mais, tous ne pouvaient pas prendre la fuite.

Il n’avait pas besoin de prendre la fuite, l’homme dont le cadavre descendait la rivière, le lendemain matin du jour où il avait demandé clandestinement audience au sous-préfet, et cela, timidement et à contre-cœur !

Après cela, peut-être, fallait-il prendre pour un acte d’humanité, la mort immédiate qu’on lui donnait, cette mort, qui lui épargnait les rares moments d’une vie pénible qui étaient encore à son actif !

Cette mort lui évitait bien des outrages, qui l’attendaient, au retour, dans son village ! Il n’avait pas à subir les coups de bâton qui sont la récompense des naïfs s’imaginant être mieux qu’une bête de somme, ou valoir plus qu’un morceau de bois ou un bloc de pierre inanimée, ou la peine de l’insensé qui avait cru à l’action de la justice dans son pays, et à l’influence, à la volonté ou au pouvoir du sous-préfet chargé de rendre et de maintenir cette même justice !