Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/93

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aux convenances. Celui-là donc, qui a des raisons de redouter un sujet quelconque, n’a qu’à parler de choses indifférentes, et il peut être assuré qu’il ne sera point entraîné par un détour abrupt, sur le terrain où il ne désire pas mettre le pied.

Les opinions diffèrent, naturellement, sur la manière de s’entretenir avec ces Chefs. Il me semble que la simplicité et la sincérité, sans excès de prudence diplomatique, sont ce qu’il y a de préférable.

Quoi qu’il en soit, Dipanon commença par une observation sur le temps, qui était à la pluie.

— Oui, Monsieur le contrôleur, c’est la mousson de l’ouest.

Dipanon savait fort bien qu’on était en Janvier ; du reste, ce qu’il avait dit de la pluie, le Prince-Régent ne l’ignorait pas non plus.

Après ces quelques mots, on se tut de plus belle. Le Prince-Régent fit un signe presqu’imperceptible à l’un des domestiques accroupis à l’entrée de la tente. Aussitôt un petit garçon, gracieusement pris dans une jaquette de velours bleu, en pantalon blanc, les amples plis de sa riche tunique retenus par une ceinture dorée, coiffé de l’élégant foulard, au-dessous duquel ses yeux scintillaient noirs et espiègles, rampa sur ses talons jusqu’aux pieds du Prince-Régent. Il déposa la boîte en or contenant la chaux, le bétel, la noix d’arec, le gambir et le tabac, puis, après avoir fait le signe du salut, en levant ses deux mains jointes jusqu’à son front incliné, il offrit la précieuse cassette à son maître.

— Après tant de pluie le chemin sera difficile, reprit le Prince-Régent ; et il enduisit de chaux une feuille de bétel.

— Les chemins ne sont pas si mauvais dans la Régence de Pandeglang répliqua Dipanon, qui lâcha