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LE DYCH TAU

culté le plateau du glacier. En traversant nous ramassons quelques belles cornes ayant appartenu à un Tur et qui, je crois, font maintenant l’ornement de l’habitation de Zurfluh à Meiringen. Après avoir ascensionné une courte pente conduisant à la longue moraine horizontale qui forme, en cet endroit, le plus commode des sentiers, nous faisons halte pendant que le chasseur cherche à réarranger la combinaison qui lui sert de chaussure ; celle-ci avait été, en effet, désespérément usée par nos courses précédentes. La vue de son pied saignant le met dans une grande colère et, finalement, il jette les débris de ses sandales de peau dans une crevasse et exprime l’intention de retourner chez lui. J’avoue qu’il avait raison ; j’ai connu un membre, même très bien chaussé, de l’Alpine Club, dont certaine moraine altérait le caractère ; que pouvait-on dès lors attendre d’« un pauvre sauvage ignorant » ? Nous entreprenons, en l’amadouant, de l’emmener plus loin, mais il reste inaccessible aux plus habiles flatteries, peut-être bien parce qu’il ne comprend pas un traître mot de ce que nous lui disons. L’idée, rendue à l’aide de gestes appropriés et d’un mot par ci par là, qu’il ne serait pas payé s’il n’achevait pas le travail commencé, appela simplement la réponse, aussi exprimée par gestes et par une foule de mots complètement inintelligibles, qu’il ne s’attendait pas du tout à l’être. Ces efforts de conversation se trouvèrent ne satisfaire personne, tout en nous prenant beaucoup de temps. Ce fut, en conséquence, longtemps après 4 h. soir, que nos bagages furent redistribués. Les brouillards commençaient heureusement à s’éclaircir, et à travers leurs déchirures nous pouvions déjà voir les longues arêtes du Shkara, luisant au soleil dans un ciel sans nuage.

Quittant la moraine nous tournons à notre gauche et