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LE COL DE ZANNER

vent ait emporté des pentes Nord jusqu’au moindre vestige de vapeurs et de brouillards, la Suanétie tout entière est une mer de nuages, hors de laquelle les grands pics surgissent au soleil. Le vent est terriblement froid, aussi plongeons-nous tout de suite au dessous de nous dans les vapeurs humides en perpétuel mouvement. Mais le Monsieur fatigué s’aperçoit bientôt que l’on remonte une pente au lieu de la descendre. Zurfluh finit par m’avouer le fait après que j’ai fait entendre des protestations diverses et toujours croissantes. Je veux bien admettre que, dans ce pays de bosses et de trous, où toutes choses vont par les contraires, la meilleure voie possible pour descendre est encore de remonter ; mais mes muscles protestent contre cette doctrine ; aussi revenons-nous sur nos traces pendant quelques instants. Des investigations ultérieures nous montrent que, en nous dirigeant au Nord-Est, parallèlement à l’arête principale, on peut exécuter une descente assez douce. Comme nous nous dirigeons à grands pas à travers les nuages, l’angle de pente s’accroît toujours, et des crevasses, puis de gigantesques clochetons de glace commencent à apparaître dans le brouillard. Zurfluh, oublieux de cet air d’ennui qui est le propre du guide suisse en pays étranger, commence à se réjouir de la lutte future. Une chute de séracs inconnue, surgie au milieu d’un impénétrable nuage, est en vérité bien suffisante pour relever dans tout montagnard l’instinct sportif.

À un endroit, nous sommes presque arrêtés. Le sérac sur lequel nous nous tenons surplombe une falaise rocheuse dont le bas se perd dans le brouillard. La descente directe est impossible, mais le côté du sérac donne

    avec F. et M. Devouassoud et J. Désailloud, le 1 août 1887 (Voy. Alpine Journal, XIII, p. 364-65, et XIV, p. 1-9.) — M. P.