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SUR HENRY MURGER.

s’unit si bien au chapitre qu’il précède, au chapitre suivant, que, sans commentaire et sans liaison apparente, ces divers chapitres ont formé tout de suite un livre, un des livres les plus gais, les plus naïfs, les plus vraiment amoureux, bons plaisants et jolis de ce siècle des fantaisies. À chaque page, on rencontre, empêtré dans le même embarras et faisant une chasse acharnée à cet animal féroce appelé la pièce de cinq francs, tantôt un peintre et tantôt un poëte ; un autre jour, c’est un philologue en proie à toutes les ambitions du terme, du dîner, du tabac, du petit verre et de la tasse de café. Quels ennemis du propriétaire et du portier, ces bohèmes de Murger ! quels fins limiers de la rue, et quels chanteurs de la mansarde ! ajoutez : quels fermes croyants en la Providence, et quels enfants gâtés du hasard !

Ses héros, ses enfants, ses frères les bohèmes, Henry Murger ne les a pas fardés : ils sont plutôt laids que beaux, assez mal bâtis et mal tournés, surtout mal vêtus ; mais ils sont jeunes et surtout ils sont gais. Ils ont le sourire à la lèvre, le feu dans les yeux et de l’espoir plein le cœur. Si trop souvent ils vont pataugeant dans la boue, ils pataugent fièrement, non pas en mendiants, mais en cyniques, en philosophes, en railleurs, en bonnes gens. Ils sont paresseux, mais paresseux avec délices ; ils évitent la peine, ils ne songent pas à la récompense. Heureux, ils font un bruit du diable, et, malheureux, ils se résignent.
 


Laissons-les vivre et laissons-les rire ; ils n’ont pas souvent un bout de chandelle pour se coucher, ils brûlent