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SUR HENRY MURGER.

leur nuage, ont conservé quelques-uns des plus doux rayons des paisibles matinées, quand la jeunesse est suffisante à parer même les amours les moins chastes et les plus vulgaires.

Sans doute, à la lecture de ces élégies d’un hiver qui commence à trente ans, le lecteur sympathique et qui sait comprendre une plainte apprendra le secret de Murger. Pourquoi ce sourire éclatant ? pourquoi ces larmes cachées ? pourquoi tant d’humbles prières et pourquoi tant d’orgueil ? Une des plus belles pièces du présent livre est celle qui se termine ainsi :

« 
Dites-lui que j’ai lu Voltaire. » 

Impiété puérile ! À peine il fut entré, cet aimable esprit, dans les limbes misérables, incessamment ouvertes à la misère, au génie, au bel esprit, à l’abandon, au poëme. au roman, à l’âme inflexible qui ne sait ni flatter ni mentir, à l’imprévoyance, au doute, au désespoir, le premier soin, le premier cri de ce fameux lecteur de Voltaire : Un prêtre ! un confesseur ! Qu’on me porte à la chapelle ! Et le prêtre est venu, qui l’a consolé de lui-même ! Ô bohème ! ô voltairiens ! c’est ainsi que finiront les plus sages et les plus heureux d’entre vous ! Sont venus aussi les amis de Murger ; braves gens, ils ne l’ont pas quitté qu’il n’eût franchi ce passage abominable ; ils ont veillé à son chevet ; ils ont fermé ces yeux fatigués des spectacles impurs ; ils ont suivi ce léger cercueil ; et voyez le miracle ! Autant le grand poète Alfred de Musset fut abandonné dans ses funérailles, autant le bohème Henry