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ÉTUDES

Murger fut accompagné dans le sentier qui mène à son tombeau. Alfred de Musset est enseveli sous la parole austère d’un sien confrère de l’Académie ; Henry Murger n’entend, du fond de sa tombe ouverte avant l’heure, que bonnes et douces paroles tombées de bouches amies : et la presse, intelligente gardienne de la justice après la mort, ne voue plus au cercueil de Murger que plaintes honorables, tendres adieux ! D’où vient tant de zèle à célébrer celui-ci, à négliger celui-là, son maître, et sans comparaison ? Il faut le demander à l’opinion publique, à la sincérité du malheur de Murger, et peut-être à la palme académique de l’auteur de Rolla ! Interrogez la jeunesse absente du tombeau d’Alfred de Musset : interrogez ces jeunes gens qui viennent en foule aux obsèques de Henry Murger : ceux-là, ici, ceux-ci, là, vous répondront : « Le vent souffle où il veut ! » Ainsi fait la sympathie, ainsi fait la pitié !

Henry Murger est mort à l’hôpital. Nous nous servons tout exprès de ce mot terrible : hôpital, pour ne rien ôter à la sympathie, à la pitié que mérite un labeur si rare, un talent si charmant. Hôpital, c’est le vrai mot. Vous déroutez la postérité, qui juge à la fois le poëte et ses lecteurs, en déguisant sous un mot plus clément cette extrême misère. Il n’y a qu’un mot qui serve en tout ceci : l’hôpital. Là sont morts bien des malheureux que la muse avait touchés de sa lèvre, et l’on serait injuste et cruel de priver leur mémoire de ce complément suprême aux douleurs du poëte, au travail de l’artiste. À l’hôpital, et non pas dans la maison Dubois, je vais chercher le grand