Page:Murger - Les Nuits d’hiver, 1861.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
ÉTUDES SUR HENRY MURGER.

Rivarol et Chamfort n’en eut davantage, n’avait pas de pointe envenimée ; il piquait sans faire venir le sang et laisser le poison. Souvent il se raillait lui-même ; mais, à travers le rire, on entendait toujours la note tendre. Ce moqueur était facilement ému ; ce sceptique croyait à la jeunesse, à l’enthousiasme, à l’amour, au dévouement. — Dans ses plus grandes malices, il restait humain. Aussi n’avait-il pas d’ennemis, et ceux qu’effleurait sa plaisanterie ailée et légère ne lui en gardaient pas rancune.

Bien avant l’heure indiquée pour le convoi, une foule toujours accrue stationnait aux alentours de la maison municipale de santé du faubourg Saint-Denis. Ceux qui n’avaient pu trouver place dans la chapelle, bientôt remplie, attendaient la fin du service funèbre, afin de se joindre au cortège, déplorant cette mort fatale ou racontant à voix basse quelque anecdote relative au défunt.

La messe avec accompagnement d’orgue célébrée, le corbillard, orné d’un écusson portant l’initiale du nom de Murger brodée en argent, prit le chemin du cimetière. Les cordons du char étaient tenus par MM. Édouard Thierry, le baron Taylor, Théodore Barrière et Labiche.

Nommer ceux qui formaient le cortège, ce serait faire le dénombrement complet de la littérature, des arts et de la critique. M. Camille Doucet y représentait le ministre d’État : M. Rouland, ministre de l’instruction publique, qui honorait Murger de sa bienveillance, avait envoyé son secrétaire. M. de Larozerie. MM. Sainte-Beuve, Ponsard et Jules Sandeau montraient par leur présence que l’Académie française n’ignorait pas le talent de l’auteur et en