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Page:Murger - Les Nuits d’hiver, 1861.djvu/273

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SUR HENRY MURGER.

Chose rare eu ce temps où règne la fièvre de l’or, Murger a aimé la pauvreté — la divine pauvreté, mère de la poésie et des arts — que célèbre Aristophane dans son Plutus : il en a chanté les libres joies et les plaisirs désintéressés. Consciencieux artiste, aux jours d’impuissance et de fatigue, il ne s’est pas créé de ressources avec la fausse monnaie de son talent, et son dernier ouvrage est un volume de vers.

 

Ce volume s’ouvre par un sonnet en manière de préface, où l’auteur souhaite d’un air goguenard toutes sortes de prospérités à l’être assez bénévole, assez naïf, assez patriarcal, pour payer d’un écu, en ce temps de prose, trois cents pages de vers. — Ici, pour nous servir d’une expression de Murger, c’est le fifre au rire aigu qui raille le violoncelle, car rien n’est plus tendre, plus amoureux, plus suave que les pièces précédées de cet avis bouffon.

L’amour comme Murger le comprend est d’une espèce particulière. Vous ne trouvez pas chez lui les supplications ardentes, les galanteries hyberboliques, les lamentations exagérées de la poursuite, pas plus que les dithyrambes à plein vol, et les odes enivrées du triomphe ; n’y cherchez pas non plus les grands désespoirs, les éternels sanglots et les cris à fendre les cieux. — Cet amour ne se présente guère qu’à l’état de souvenir : heureux, il se tait ; pour le faire parler, il faut l’abandon, l’infidélité, la mort ! Où le plaisir fut silencieux, la douleur pousse un soupir. À vrai dire, ce qui plaît à Murger dans l’amour.