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SUR HENRY MURGER.

des tendresses de jeune fille et des ingénuités d’enfant.

Souvent il arrivait en nage, on ne sait d’où ; il s’asseyait au coin d’une table et rédigeait, pour un louis (ce qui était la haute paye pour les mieux rémunérés) une de ses ravissantes scènes de la Vie de bohème. On ne se doute pas de l’esprit, du talent, du style qui s’absorbe et s’engloutit tous les jours dans ces feuilles, grandes ou petites, que la publicité fait éclore et qu’emporte le vent. L’auteur lui-même ne s’en doutait pas, à coup sûr, et il n’a eu, cependant, qu’à ramasser quelques-unes de ces pages éparses pour faire un livre qui est son plus beau titre de gloire et son œuvre la plus curieuse et la plus durable.

On connaît ses autres romans, ses fantaisies, ses pièces : le Pays latin, le Sabot rouge, les Vacances de Camille, le Dernier Rendez-vous, les Scènes de campagne, les Buveurs d’eau, le Bonhomme Jadis, et ce drame poignant de la Vie de bohème, qu’il a tiré de son livre avec M. Th. Barrière, et qui a donné naissance à toutes les Filles de marbre et à toutes les Dames aux camelias. Comme romancier, comme auteur dramatique, Murger n’a eu que des succès, et la popularité, on peut le dire, lui a fait les premières avances.

Malheureusement, ni le talent, ni l’invention, ni le style, ni les qualités les plus charmantes et les plus rares ne suffisent plus aujourd’hui pour assurer l’indépendance et la dignité de l’homme de lettres. Il faut une âme et un corps solidement trempés, une organisation tout à fait exceptionnelle, un tempérament de fer, pour ne point suc-