Page:Murger - Les Nuits d’hiver, 1861.djvu/289

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Qu’il me soit permis, même après la page si émue et sympathique que M. Arsène Houssaye a consacrée à Henry Murger, de lui adresser ici un dernier adieu. Il y a place sur son tombeau pour plus d’une couronne, et il me semble que tous ceux qui l’ont connu doivent à sa mémoire un salut et un témoignage.

Il est difficile de définir en deux mots ce talent nuancé et mobile. On pourrait dire cependant que Henry Murger fut le poëte de la pauvreté. Il l’avait connue de bonne heure : elle s’était emparée de toute sa jeunesse ; il avait fini par l’accepter avec une résignation mélancolique et moqueuse. La pauvreté devint bientôt sa muse ; c’est d’elle qu’il tient ce rire mouillé de larmes qui est la physionomie de son talent. — Comme ces voyageurs qui s’immortalisent en hivernant dans une région désolée. Henry Murger dut sa renommée à cette bohème des arts et des lettres où il fit une station si longue et si rude. D’autres avant lui l’avaient entrevue, mais de loin et sans l’aborder ; Murger en revint comme d’un pays natal, et