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ÉTUDES

il en rapporta de si curieux et de si touchants récits, qu’on peut dire que c’est lui qui l’a découverte.

 

On se souvient de l’impression produite par les Scènes de la vie de bohème, et du succès éclatant que remporta plus tard le drame sorti de ce livre. C’était le bûcher du supplice transformé en feu d’artifice, l’esprit niant la douleur, l’amour embrassant la misère, le Roman tragi-comique de la jeunesse enfermée dans la tour de la Faim, et y chantant ses tortures. — Je viens de relire ce drame étrange ; le deuil du poëte l’assombrit sans doute ; mais, cette fois, il m’a semblé mortellement triste sous sa gaieté stoïque. Que de noires réalités éclaire cette verve éblouissante ! la mansarde nue, le foyer sans feu, la table sans pain, et, à travers les fleurs fanées de la fenêtre, la morne façade de l’hôpital qui apparaît comme l’étape fatale de ces précaires existences ! L’amour même ne colore ce sombre intérieur que d’un rayon fugitif. Musette, la fille de plaisir, a un cœur d’hirondelle ; elle s’envole au premier froid. Mimi, la fille de la douleur, n’y apparaît que pour mourir.

On se souvient de cette dernière scène qui fit couler tant de larmes : Mimi rentrant blessée au cœur dans son pauvre nid battu par le vent. Rien de plus touchant que cette agonie enfantine doucement balancée entre le ciel et la terre, mélange ingénu de larmes et de sourires, de résignations et de désespoirs. Elle expire, et ses yeux voilés admirent encore la robe de Musette, et ses mains, prises du tremblement t’es mourants, en chiffonnent encore la