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meilleure. C’est la plus tendre, la plus juteuse et la plus charnue des huîtres ; elle possède une fraîcheur et une saveur toutes particulières. C’est à la présence de certains petits insectes qu’elle doit sa couleur verte. Malheureusement, ce délicieux testacé devient rare. Mais l’industrie des marchands, toujours prêts à remplir, lant bien que mal, les lacunes de la nature, a imaginé de peindre en vert les huîtres ordinaires et de les vendre pour des huîtres de Marennes.

L’habit ne fuit pas le moine, et, malgré cette robe d’emprunt, Phuîtr.e ordinaire reste ce que l’Océan l’a faite : ordinaire.

L’huître d’Ostende, qui est la plus petite des huîtres, a un goût très-délicat.

Le pied-de-cheval est la plus grosse et aussi la moins bonne.

On trouve sur les côtes du Japon des huîtres gris-perle. Elles ont bien le droit d’affecter cette couleur, d’ailleurs très-distinguée, dans un pays où les canards sont rouges cl les hommes jaunes.

Les grandes espèces des mers des Indes étaient connues des anciens qui les nommaient Iridacha, parce qu’il fallait les manger en trois bouchées ; ce qui est un grand défaut, car l’huître demande à être avalée d’un seul trait. II. — SA PÊCHE.

C’est surtout à la drague que se fait la pêche des huîtres. Cet instrument en fer a la forme d’une houe. Après l’avoir garni d’un filet, on l’attache au bateau ; celui-ci, poussé par le vent, entraîne la drague, qui, agissant comme un râteau, détache les huîtres et en remplit le filet qui la suit.

On ramasse ainsi jusqu’à un millier d’huîtres à la fois.

— On pêche aussi les huîtres à la main. Les Napolitains ont imaginé un moyen tout spécial et assez ingénieux : ils plantent des piquets dans les lieux que les huîtres semblent préférer. Elles s’y attachent en grande abondance, et la pêche consiste alors à retirer ces piquets et à en détacher les mollusques. III. — NAISSANCE ET FÉCONDITÉ DE L’HUITRE. La fécondité des huîtres est vraiment prodigieuse. Si celle de l’homme venait à l’égaler, avant cent ans la terre se trouverait trop petite pour contenir le genre humain ; il faudrait de toute nécessité défricher le Sahara, couper les forêts de POcéanie et découvrir un nouveau monde. L’huître pond par an de cinquante mille à soixante mille œufs ! cette fécondité explique comment peuvent se reproduire ces énormes bancs d’huîtres sur lesquels on pêche sans cesse et qui sans cesse se renouvellent. Voici les mystères de la naissance de l’huître dévoilés : Lorsque les œufs sortent des mères, l’embryon, pourvu de cils vibraliles, nage en tournant, puis finit par tomber sur d’autres huîtres déjà formées ou sur des corps solides auxquels il s’attache et se développe. IV. — PARCS AUX HUITRES,

Ce sont des bassins étendus, creusés sur les bords de la mer, et dans lesquels peuvent pénétrer les eaux des grandes marées.

Après leur pêche, les huîtres sont jetées dans ces bassins, où on les laisse croître en repos ; là elles trouvent une nourriture abondante que leur portent périodiquement les eaux de la mer. De cette façon, l’huître comestible a acquis en quatre ou cinq ans le développement que nous lui voyons sur nos tables. Un parc aux huîtres doit être fourni d’une couche de sable et de petits galets afin que l’eau reste toujours limpide. Les bancs les plus célèbres sont ceux de Marennes, dans la Charente-Inférieure ; Saint-Waast, Sainl-Cast, Rcville et Bar/leur, dans la Manche ; Coursculles, dans le Calvados ; Ètretat, Fécamp, Trèport, dans la Seine-Inférieure, et Dunkerque, dans le Nord. V. — CANCALE.

La plus grande partie des huîtres qui se consomment en France et dans le nord de l’Europe sont bretonnes. Elles viennent de la fameuse baie de Cancale, située dans le nord de la Bretagne, entre Saint-Malo et le mont Saint-Michel.

Cancale produit par an de sept à huit millions d’huîtres. VI. — LES HUITRES ET LES ANCIENS.

Comme tout ce qui est bon, l’huître étaient connue et très-estimée des anciens.

Comme la truffe, elle a fait les délices des Grecs et des Romains.

Les Athéniens se servaient de leurs écailles pour écrire leurs suffrages et dicter des arrêts. Chez les Romains, les huîtres étaient considérées comme un mets aussi sain que délicat. Celles du lac Lucrin acquirent une grande réputation. Martial, qui n’a pas dédaigné de chanter les Lucrina conchilia, en parle avec le plus grand é^)ge. Après les huît/es du lac Lucrin, celles de Tarenle et de Brindes étaient les plus recherchées. Pline rapporte qu’un spéculateur, appelé Sergius Aurata, fut le premier qui imagina de creuser des viviers aux environs des baies pour y engraisser les huîtres, particulièrement celles du lac Lucrin, dont tous les auteurs s’accordent à proclamer la supériorité. Mais déjà, du temps de Pline, les Romains avaient reconnu l’excellence des huîtres des mers britanniques, de beaucoup préférables à celles de la mer Méditerranée. Ils profitaient de l’hiver pour envoyer en Italie, à grands frais, ces mollusques si fins et si délicats. On les enveloppait de neige et on les comprimait suffisamment pour empêcher la coquille de s’ouvrir. Cet excellent procédé est encore celui qu’on emploie pour faire voyager les huîtres et les faire parvenir vivantes loin des rivages où elles sont nées. Les Romains avaient aussi trouvé le moyen de conserver les huîtres.

Le célèbre gourmet Apicius, auteur du de Ee culinarîd, en envoya de Brindes à Trajan, qui se trouvait au pays des Parthes.

Juvénal raconte que le patricien Fabius Rutilius mourut pour avoir trop mangé d’huîtres. Il ne faudrait pas en conclure que ce poisson est malsain ; il passe au contraire pour être digestif et très-rafraîchissant. On prétend aussi que l’huître ouvre l’appétit et excite au sommeil. Son usage est prescrit aux scorbutiques et aux goutteux.

VIL — l’huître a table.

L’huître se mange crue, et beaucoup de personnes seront sans doute étonnées en apprenant qu’on raccommode aussi à plus de trente sauces différentes. On la mange à la bonne-femme et au bonhomme ; à la daube, au parmesan, en casserolle, en hachis, en paille, farcie, frite, sautée, en papillotes, en caisse, en potage, et surtout en petits pâtés.