Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/103

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Je suis femme, seigneur. Aussi bien que personne
Je sens battre mon cœur lorsque le clairon sonne.
Mais César est vengé, c’est vous qui le disiez ;
La tête de Brutus a roulé sous vos pieds.
À qui sut faire tant que reste-t-il à faire ?
La patrie aujourd’hui vous appelle son père ;
Le peuple vous chérit, vous met au rang des dieux,
Et, vivant sur la terre, il vous voit dans les cieux.
Que pourrait un combat, que pourrait une armée,
Pour ajouter encore à votre renommée ?
Que nous apprendrez-vous quand vous serez vainqueur ?
Il ne faut point aller plus loin que le bonheur.
César (nous le savons), marchant sur sa parole,
A franchi le ruisseau qui mène au Capitole ;
Mais de veiller sur lui les dieux s’étaient lassés ;
L’inflexible Destin avait dit : « C’est assez ! »
Du nom que vous portez conservez la mémoire ;
Pensez à l’avenir et respectez l’histoire.
Ne laissez pas de vous un vain rêve approcher ;
Votre gloire est à nous, — vous n’y pouvez toucher.

Octavie.

Jamais, pour qui sait vaincre, il n’est assez de gloire.

Livie.

La paix, quand on la veut, c’est encor la victoire.

Octavie.

À la voir trop facile, on peut la dédaigner.

Livie.

Oui, sans doute, on le peut, mais il faut la gagner.