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III

À SON FRÈRE, À AIX EN SAVOIE.


Mon cher ami,

Hier matin, j’ai été chez notre voisin Alfred Belmont, faire une partie d’impériale. Il arrivait d’Aix, où il t’avait laissé, m’a-t-il dit, souffrant d’un rhume que tu as gagné en allant à la Chartreuse. Je te reconnais bien là. Garde-toi, en écrivant à ma mère, de lui parler de ce rhume. Elle est déjà assez inquiète dès que tu bouges de la maison. Tu me demandes à quoi j’emploie mon temps, je ne l’emploie pas, je le passe, ou je le tue ; c’est déjà assez difficile. Cependant je dois dire que nous discutons beaucoup, je trouve même qu’on perd trop de temps à raisonner et épiloguer. J’ai rencontré Eugène Delacroix, un soir en rentrant du spectacle ; nous avons causé peinture, en pleine rue, de sa porte à la mienne, et de ma porte à la sienne, jusqu’à deux heures du matin ; nous ne pouvions pas nous séparer. Avec le bon Antony Deschamps, sur le boulevard, j’ai discuté de huit heures du soir à onze heures. Quand je sors de chez Nodier ou de chez Achille (Devéria), je discute tout le long des rues avec l’un ou l’autre. En sommes-nous plus avancés ? En fera-t-on un