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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/262

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il quitta la maison de son père ; il prit la fuite avec une femme que son nouvel ami lui avait fait connaître ; il nous écrivit qu’il partait pour l’Allemagne, et nous ne l’avons jamais revu.

Voilà, en un mot, l’histoire de ma vie ; mon mari l’a sue comme vous la savez maintenant. J’ai beaucoup d’orgueil, mon enfant, et j’avais juré dans ma solitude que jamais un homme ne me ferait souffrir une seconde fois ce que j’ai souffert alors. Je vous ai vu, et j’ai oublié mon serment, mais non pas ma douleur. Il faut me traiter doucement ; si vous êtes malade, je le suis aussi ; il faut avoir soin l’un de l’autre. Vous le voyez, Octave, je sais aussi ce que c’est que le souvenir du passé. Il m’inspire aussi près de vous des moments de terreur cruelle ; j’aurai plus de courage que vous, car peut-être ai-je plus souffert. Ce sera à moi de commencer ; mon cœur est bien peu sûr de lui, je suis encore bien faible ; ma vie, dans ce village, était si tranquille avant que tu y fusses venu ! je m’étais tant promis de n’y rien changer ! Tout cela me rend exigeante. Eh bien ! n’importe, je suis à toi. Tu m’as dit, dans tes bons moments, que la Providence m’a chargée de veiller sur toi comme une mère. C’est la vérité, mon ami ; je ne suis pas votre maîtresse tous les jours ; il y en a beaucoup où je suis, où je veux être votre mère. Oui, lorsque vous me faites souffrir, je ne vois plus en vous mon amant ; vous n’êtes plus qu’un enfant malade, défiant ou mutin, que je veux soigner ou guérir pour retrouver celui que j’aime et