Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/123

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imprévu lui découvrit la vérité. Aux plis du mouchoir, elle reconnut qu’un des coins avait été noué pour servir de bourse, et cette manière de serrer son argent n’appartient, vous le savez, qu’aux femmes. Elle pâlit à cette découverte, et, après avoir pendant quelque temps fixé sur le mouchoir des regards pensifs, elle fut obligée de s’en servir pour essuyer une larme qui coulait sur sa joue.

Une larme ! direz-vous, déjà une larme ! Hélas ! oui, madame, elle pleurait. Qu’était-il donc arrivé ? Je vais vous le dire ; mais il faut pour cela revenir un instant sur nos pas.

Il faut savoir que, le surlendemain du bal, Valentin était venu chez madame Delaunay. La mère lui ouvrit la porte, et lui répondit que sa fille était sortie. Madame Delaunay, là-dessus, avait écrit une longue lettre au jeune homme ; elle lui rappelait leur dernier entretien, et le suppliait de ne plus venir la voir. Elle comptait sur sa parole, sur son honneur et sur son amitié. Elle ne se montrait pas offensée, et ne parlait pas du galop. Bref, Valentin lut cette lettre d’un bout à l’autre sans y trouver rien de trop ni de trop peu. Il se sentit touché, et il eût obéi si le dernier mot n’y eût pas été. Ce dernier mot, il est vrai, avait été effacé, mais si légèrement, qu’on ne l’en voyait que mieux. « Adieu, disait la veuve en terminant sa lettre ; soyez heureux. »

Dire à un amant qu’on bannit : Soyez heureux, qu’en pensez-vous, madame ? N’est-ce pas lui dire : Je ne suis