Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/124

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pas heureuse ? Le vendredi venu, Valentin hésita longtemps s’il irait ou non chez le notaire. Malgré son âge et son étourderie, l’idée de nuire à qui que ce fût lui était insupportable. Il ne savait à quoi se décider, lorsqu’il se répéta : Soyez heureux ! Et il courut chez M. des Andelys.

Pourquoi madame Delaunay y était-elle ? Quand notre héros entra dans le salon, il la vit froncer le sourcil avec une singulière expression. Pour ce qui regarde les manières, il y avait bien en elle quelque coquetterie ; mais, au fond du cœur, personne n’était plus simple, plus inexpérimenté que madame Delaunay. Elle avait pu, en voyant le danger, tenter hardiment de s’en défendre ; mais, pour résister à une lutte engagée, elle n’avait pas les armes nécessaires. Elle ne savait rien de ces manèges habiles, de ces ressources toujours prêtes, au moyen desquelles une femme d’esprit sait tenir l’amour en lisière et l’éloigner ou l’appeler tour à tour. Quand Valentin lui avait baisé la main, elle s’était dit : Voilà un mauvais sujet dont je pourrais bien devenir amoureuse ; il faut qu’il parte sur-le-champ. Mais lorsqu’elle le vit, chez le notaire, entrer gaiement sur la pointe du pied, serré dans sa cravate et le sourire sur les lèvres, la saluant, malgré sa défense, avec un gracieux respect, elle se dit : Voilà un homme plus obstiné et plus rusé que moi ; je ne serai pas la plus forte avec lui, et, puisqu’il revient, il m’aime peut-être.

Elle ne refusa pas, cette fois, la contredanse qu’il lui