Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/131

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de Parnes qui ne riait plus et qui le suivait des yeux.

Il continua sa route sans savoir où il allait, et prit machinalement le chemin de la rue du Plat-d’Étain. La soirée était belle et le ciel pur. La veuve était aussi à sa fenêtre ; elle avait passé une triste journée.

— J’ai besoin d’être rassurée, lui dit-elle dès qu’il fut entré. À qui appartient un mouchoir que vous avez laissé chez moi ?

Il y a des gens qui savent tromper et qui ne savent pas mentir. À cette question, Valentin se troubla trop évidemment pour qu’il fût possible de s’y méprendre, et sans attendre qu’il répondît :

— Écoutez-moi, dit madame Delaunay. Vous savez maintenant que je vous aime. Vous connaissez beaucoup de monde, et je ne vois personne ; il m’est aussi impossible de savoir ce que vous faites qu’il vous serait facile d’y voir clair dans mes moindres actions, s’il vous en prenait fantaisie. Vous pouvez me tromper aisément et impunément, puisque je ne peux ni vous surveiller, ni cesser de vous aimer ; souvenez-vous, je vous en supplie, de ce que je vais vous dire : tout se sait tôt ou tard, et croyez-moi, c’est une triste chose.

Valentin voulait l’interrompre ; elle lui prit la main et continua :

— Je ne dis pas assez ; ce n’est pas une triste chose, mais la plus triste qu’il y ait au monde. Si rien n’est plus doux que le souvenir du bonheur, rien n’est plus affreux que de s’apercevoir que le bonheur passé était un