Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/178

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III


L’impression que ressentit Frédéric à la nouvelle de ce suicide fut profonde. Bien qu’il ne connût pas ce jeune homme et qu’il ne lui eût jamais adressé la parole, il savait son nom, qui était celui d’une famille illustre. Il vit arriver les parents, les frères en deuil, et il sut les tristes détails des recherches auxquelles on avait été obligé de se livrer pour découvrir le mort. Les scellés furent mis ; bientôt après, les tapissiers enlevèrent les meubles ; la fenêtre auprès de laquelle travaillait Bernerette resta ouverte, et ne montra plus que les murs d’un appartement désert.

On n’éprouve de remords que lorsqu’on est coupable, et Frédéric n’avait aucun reproche sérieux à se faire, puisqu’il n’avait trompé personne, et qu’il n’avait même jamais su clairement où en étaient les choses entre la grisette et son amant. Mais il se sentait pénétré d’horreur en se voyant la cause involontaire d’une fatalité si cruelle. — Que n’est-il venu me trouver ! se disait-il ; que n’a-t-il tourné contre moi l’arme dont il a fait un si funeste usage ! Je ne sais comment j’aurais agi, ni ce qui se serait passé ; mais mon cœur me dit qu’il ne se-