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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/199

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Le phalène doré, dans sa course légère,
Traverse les prés embaumés.
Que cherches-tu sur la terre endormie ?
Mais déjà vers les monts je te vois t’abaisser.
Tu fuis en souriant, mélancolique amie,
Et ton tremblant regard est près de s’effacer.
Étoile qui descends sur la verte colline,
Triste larme d’argent du manteau de la nuit,
Toi que regarde au loin le pâtre qui chemine,
Tandis que pas à pas son long troupeau le suit ; —
Étoile, où t’en vas-tu dans cette nuit immense ?
Cherches-tu sur la rive un lit dans les roseaux ?
Où t’en vas-tu si belle, à l’heure du silence,
Tomber comme une perle au sein profond des eaux ?
Ah ! si tu dois mourir, bel astre, et si ta tête
Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux,
Avant de nous quitter, un seul instant arrête : —
Étoile de l’amour, ne descends pas des cieux !

Tandis que Bernerette chantait, les rayons de la lune, tombant sur son visage, lui donnaient une pâleur charmante. Cécile et Gérard lui firent compliment de la fraîcheur et de la justesse de sa voix, et Frédéric l’embrassa tendrement.

On rentra à l’auberge et on soupa. Au dessert, Gérard, dont la tête s’était échauffée grâce à une bouteille de vin de Madère, devint si empressé et si galant, que Cécile lui chercha querelle ; ils se disputèrent avec assez d’aigreur, et, Cécile ayant quitté la table, Gérard la suivit de mauvaise humeur. Resté seul avec Bernerette, Frédéric lui demanda si elle s’était trompée sur la cause de cette dispute.