Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Non, répondit-elle ; ce n’est pas de la poésie que ces choses-là, et tout le monde les comprend.

— Eh bien ! qu’en penses-tu ? Ce jeune homme a du goût pour toi ; sa maîtresse l’ennuie, et pour la lui faire quitter tu n’aurais, je crois, qu’à dire un mot.

— Que nous importe ! Es-tu jaloux ?

— Tout au contraire ; et tu sais bien que je n’ai pas le droit de l’être.

— Explique-toi ; que veux-tu dire ?

— Ma chère enfant, je veux dire que ni ma fortune ni mes occupations ne me permettent d’être ton amant. Ce n’est pas d’aujourd’hui que tu le sais, et je ne t’ai jamais trompée là-dessus. Si je voulais faire le grand seigneur avec toi, je me ruinerais sans te rendre heureuse ; ma pension me suffit à peine ; il faudra d’ailleurs, d’ici à peu de temps, que je retourne à Besançon. Sur ce sujet, tu le vois, je m’explique clairement, quoique ce soit bien à contre-cœur ; mais il y a de certaines choses sur lesquelles je ne puis m’expliquer ainsi : c’est à toi de réfléchir et de penser à l’avenir.

— C’est-à-dire que tu me conseilles de faire ma cour à ton ami.

— Non ; c’est lui qui te fait la sienne. Gérard est riche, et je ne le suis pas ; il vit à Paris, au centre de tous les plaisirs, et je ne suis destiné qu’à faire un avocat de province. Tu lui plais beaucoup, et c’est peut-être un bonheur pour toi.

Malgré sa tranquillité apparente, Frédéric était ému