là, et il est certain qu’il avait une ardoise et un crayon, dont il se servait très lestement. J’avais toujours cru, comme vous, que, lorsqu’on était muet, c’était pour ne rien dire ; mais pas du tout. Il paraît qu’aujourd’hui on a fait une découverte au moyen de laquelle tout ce monde-là se comprend et fait très bien la conversation. On dit que c’est un abbé, dont je ne sais plus le nom, qui a inventé ce moyen-là. Quant à moi, vous comprenez bien qu’une ardoise ne m’a jamais paru bonne qu’à mettre sur un toit ; mais ces Parisiens sont si fins !
— Est-ce sérieux, ce que vous dites ?
— Très sérieux. Ce petit marquis est riche, joli garçon ; c’est un gentilhomme et un galant homme ; je réponds de lui. Songez, je vous en prie, à une chose : que ferez-vous de cette pauvre Camille ? Elle ne parle pas, c’est vrai, mais ce n’est pas sa faute. Que voulez-vous qu’elle devienne ? Elle ne peut pas toujours rester fille. Voilà un homme qui l’aime ; cet homme-là, si vous la lui donnez, ne se dégoûtera jamais d’elle à cause du défaut qu’elle a au bout de la langue ; il sait ce qui en est par lui-même. Ils se comprennent, ces enfants, ils s’entendent, sans avoir besoin de crier pour cela. Le petit marquis sait lire et écrire ; Camille apprendra à en faire autant ; cela ne lui sera pas plus difficile qu’à l’autre. Vous sentez bien que, si je vous proposais de marier votre fille à un aveugle, vous auriez le droit de me rire au nez ; mais je vous propose un sourd-muet,