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Là-dessus, je n’ose souhaiter un éclaircissement. L’expérience est bonne, à condition qu’elle ne vous tue pas. »

Comme s’il eût senti dans l’air ce je ne sais quoi qu’il redoutait, il forma des projets de retraite et de travail. Il essaya de régler l’emploi de ses journées. Afin de s’assurer des récréations paisibles, il acheta ses entrées au théâtre de l’Opéra pour six mois. Souvent il passait le temps du spectacle dans une loge d’avant-scène où il retrouvait ses amis ; mais, parfois, il se tenait seul dans un coin de la salle et laissait, avec plaisir, la musique éveiller son imagination. Sous l’influence de cet excitant, il composa le Saule, le poème le plus long et le plus sérieux qu’il eût encore écrit, et qui représente ce qu’on appellerait dans l’œuvre d’un peintre un ouvrage de transition. J’ai raconté ailleurs la destinée bizarre de ce poème[1].

L’hiver s’annonçait sous des auspices sinistres. Le choléra, qui s’était arrêté quelque temps en Pologne, venait de passer dans le nord de l’Allemagne. On apprit un matin qu’il avait sauté, d’un bond, jusqu’à Londres. Bientôt le bruit se répandit qu’il éclatait dans Paris. La ville changea d’aspect. On ne sortait plus sans rencontrer des centaines de corbillards. Le soir, les rues désertes, éclairées de loin en loin par les lanternes rouges des ambulances, les boutiques

  1. Voir la Notice sur la vie d’Alfred de Musset dans le volume des Œuvres posthumes de cette édition.