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des plaisirs d’artiste, ni des succès que je viens de raconter. Il fallait aussi la part du cœur, pour que son bonheur fût complet. Dès l’année 1837, Alfred rencontrait souvent dans le monde une très jeune et très jolie personne, d’un naturel enthousiaste et passionné, indépendante par situation, — et qui achetait les livres du poète, bien que ce ne fût point la mode alors. Ils causaient ensemble dans les salons de Paris. Ils s’écrivirent pendant un séjour que cette jeune femme fut obligée de faire en province. De littéraire qu’elle était d’abord, la correspondance devint amoureuse. J’en ai vu des fragments, qu’on pourrait mettre à la suite des Lettres portugaises. La franchise, la loyauté de cœur de la dame, étaient chose si nouvelle pour Alfred, qu’il se prit d’une passion sérieuse. Cet amour dura deux ans, pendant lesquels il n’y eut ni querelle, ni orage, ni refroidissement, ni sujet d’ombrage ou de jalousie ; c’est pourquoi il n’y a pas de récit à en faire. Deux années d’amour sans nuage ne se racontent pas. Le vrai bonheur n’a point d’histoire.