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le plan d’un drame en cinq actes entièrement de son invention, et dont la scène était à Venise au XVe siècle.

Sur ces entrefaites, Bettine fut jouée avec peu de succès, et l’ardeur de Rachel en parut tout à coup refroidie. Alfred de Musset, mécontent du silence qu’elle gardait avec lui, remit le travail commencé parmi ses papiers de rebut, en disant : « Adieu, Rachel ! c’est toi que j’ensevelis pour jamais dans ce tiroir[1]. »

En effet, tout fut fini entre Rachel et lui, et nous n’aurons désormais plus rien à dire de cette actrice de génie que la nature semblait avoir créée et mise au monde pour s’entendre avec l’auteur de Lorenzaccio, et qui ne sut pas même s’accorder avec lui pendant le temps nécessaire à l’achèvement d’une pièce de théâtre. Sans doute Alfred de Musset a été aussi coupable qu’elle. Il aurait dû se rire des caprices et pousser son œuvre jusqu’au bout, afin d’arriver par-dessus les obstacles d’un moment au jour lucratif de la représentation. Bien d’autres lui en donnaient l’exemple ; mais les autres n’étaient pas des poètes, et il faut prendre les poètes comme ils sont.

Revenons maintenant à Bettine. Alfred se souvenait de madame Rose Chéri, et du plaisir qu’il avait éprouvé, six ans plus tôt, aux représentations de Cla-

  1. On peut juger par le fragment de Faustine, inséré dans les Œuvres Posthumes, combien il est regrettable que ce drame n’ait pas été achevé.
    P. M.